Miley Cyrus et la culture libertarienne rénégate
The following article is translated into French from the English original, written by Ryan Calhoun.

L’artiste la plus célébrée et controversée de l’année est, sans aucun doute, Miley Cyrus. Miley a rapidement et parfaitement transformé son image enfantine des années 2000 à la rebelle corporate. Miley a captivé les audiences avec ce que beaucoup considèrent comme un comportement choquant qui embrasse l’hédonisme et en se moquant des valeurs puritaines. Alors que beaucoup considèrent ses représentations scéniques comme des provocations gratuites, ça marche indéniablement pour attirer l’attention sur elle et transformer son image en quelque chose de nouveau et même de radical. Mais pourquoi est-ce que les libertariens devraient s’intéresser à Miley Cyrus ?

Et bien, parce que le grand public est important, et plus encore, les institutions et constructions culturelles qui persistent sont importantes. Les libertariens ont fait un travail extrêmement bon en développant une théorie de comment une société idéale devrait opérer, alors que dans le même temps ils ne se préoccupent pas de savoir si leurs travaux intéressent ceux qui ne sont pas déjà acquis à la cause. Pourquoi donc est-ce qu’un individu moyen qui a à peine la moindre connaissance en politique ou en philosophie s’intéresserait aux valeurs libertariennes ? La réalité est que de nombreux libertariens sont des iconoclastes rationnels. Nous aimons ne pas être conformes et bousculer l’ordre établi. Nous pensons que l’attaque la plus percutante est un syllogisme ou peut-être la 25ème édition anniversaire de La Grève. Le libertarien ne voit pas de rigueur intellectuelle dans la culture populaire et juge donc inutile toute analyse. Ce rejet a mené le libertarianisme à être vu comme une théorie excentrique destinée aux solitaires et aux introvertis. Si les libertariens veulent accomplir de réels changements dans la société, ils ont besoin de passer moins de temps à débattre théorie et plus de temps à infuser leurs idées dans la culture populaire et soutenir les normes culturelles qui favorisent la liberté. Les normes culturelles sur le sexe, les drogues et toute autre amusement dont certaines personnes ne veulent pas que d’autres personnes en profitent ne valent pas plus que l’opinion de ces personnes elles-mêmes. La loi n’est pas une force divine que l’on ne peut pas braver. C’est une question de reconnaissance sociale. Personne n’ira faire respecter la loi sur les feux rouges à New York, puisque tout le monde les grille. Il serait impossible d’essayer de la faire respecter. Les libertariens doivent arrêter de convaincre les gens de changer leurs valeurs culturelles et doivent commencer à promouvoir celles qui leur sont importantes.

Roderick T. Long et Charles W. Johnson ont abondamment argument sur pourquoi est-ce que les libertariens devraient embrasser les valeurs traditionnelles de gauche, question de cohérence culturelle. Le succès d’une société libertarienne n’est pas seulement d’anéantir l’état, mais d’anéantir toute forme d’oppression. A quoi bon vivre dans une société sans état si les femmes y sont toujours traitées comme des objets ? Où votre couleur détermine votre statut socio-économique ? Les libertariens doivent regarder sérieusement les formes d’oppression qui existent hors de l’état, puisque l’état puise ses pouvoirs dans ces oppressions non gouvernementales. (voir Roderick Long, « Féminisme libertarien : Est-ce que ce mariage peut être sauvé ?«)

Il y a des formes d’oppressions qui ne dépendent tout simplement pas de l’existence de l’appareil d’état. Les lois sont faites des normes que le peuple est prêt à reconnaître et à appliquer. Même les institutions politiques autoritaires par excellence comme l’armée reposent plus sur l’acceptante culturelle, l’obéissance et la docilité que sur les intentions des généraux et des politiciens. Et s’il y avait une guerre et que personne ne venait ? Les institutions politiques donnent la possibilité faire usage d’intimidation, mais personne n’est forcé à devenir militaire. Personne ne vous met un pistolet sur la tempe et vous demande de soutenir les troupes. Si demain chacun arrêtait de croire que chaque soldat est un héros et que chaque guerre est un sacrifice au nom des valeurs américaines, peut-être verrait-on un déclin de cet empire du mal.

Comme Johnson et Long, je pense aussi qu’il est nécessaire d’avoir une conception plus large du libertarianisme. Plus précisément, je pense que les libertariens devraient embrasser ce que j’appelle lelibertinage culturel, par cela je veux dire l’expression de la volonté d’une personne à faire ce qu’elle et elle seule désire. Cela signifie soutenir les actions spontanées des individus, qu’elles soient en accord avec nos propres valeurs ou non. Quand les normes culturelles sont utilisées pour étouffer les préférences personnelles, les libertariens devraient s’indigner.

L’historien Thaddeus Russell a longuement argumenté que pour les libertés que nous considérons comme acquises, de l’indépendance des femmes au week-end, il faut remercier des renégats. Les renégats ne sont pas des hommes politiques. Ils n’ont rien à faire du principe de non-agression (NAP) ou d’une société sans état. Dans certains cas, ils pourraient bien être des personnes très désagréables avec qui vous ne voudriez pas être laissés seuls bien longtemps. Ils ne sont certainement pas les gens disciplinés qui seraient à la tête de sociétés d’aide mutuelle ou de coopératives. Ils pourraient être ces cavaliers seuls dont on a peur. Néanmoins, ces actes qui peuvent nous dégoûter nous ont donné une vision plus large de la liberté individuelle, tant sur le plan politique que culturel.

Mais que diable viennent faire les singeries de Miley Cyrus ? Eh bien, je regarde les actions de Miley de ces derniers temps, que ce soit sur sa sexualité, sa consommation d’ecstasy ou qu’elle ait fumé un joint sur scène face à des millions de spectateurs, moins comme des actes qui visent à choquer, mais comme une forme dedésobéissance culturelle. La désobéissance culturelle, comme la désobéissance civile, implique des actions qui soient culturellement mal vues. Quand Miley rejette son rôle d’idole pour adolescents et commence à se frotter sauvagement contre Robin Thicke avec des ours en peluche sexualisés en arrière plan, elle fait plus qu’attirer l’attention pour son nouvel album, elle se débarrasse de ce que l’on attend d’elle en tant « qu’innocente ». Miley affiche sa sexualité à bon usage, comme quelque chose de fort que chacun peut apprécier comme il l’entend.

Récemment Miley s’est de nouveau engagée dans un acte de désobéissance culturelle en allumant un joint sur scène durant un événement télévisé. Encore une fois, on peut voir ça comme une publicité provocante. Elle n’aurait jamais fait ça si ses avocats ne l’avaient pas approuvé auparavant. Mais c’est un signe qui montre que les normes sur la consommation de drogue sont en train de s’effondrer. La plus grande nouvelle dans la pop ces derniers temps est d’être choqués de la voir prendre de la drogue et, ce faisant, elle fait sa part dans la normalisation de la drogue dans notre culture. Comme j’ai pu écrire auparavant :

« … nous n’arriverons pas au point où la consommation de drogues n’est plus sévèrement réprimandée par la société et par l’état sans avoir des consommateurs de drogues pour participer à une désobéissance civile passive. Ceux qui allument un joint sur leur porche ou dans un parc public ne sont pas seulement en train de planer, ils sapent les normes sociales qui légitiment ces lois. Quand nous soutenons les conservateurs qui font de l’œil aux politiques libertariennes mais mettent de côté ceux que nous voyons comme déviantes, nous soutenons une culture puritaine. Nous oublions nos vraies valeurs, nous soutenons les valeurs qui rendent les lois sur les drogues possibles. »

Considérez cela tout simplement comme une extension de l’application de la pensée agoriste. L’agorisme reconnait que le gouvernement est aussi bon que l’économie qu’il contrôle. La culture libertarienne reconnaît que la culture joue un rôle similaire dans la fondation des lois en vigueur. Les drogues ne sont pas devenues illégales parce que les politiciens l’ont dit, mais à cause des campagnes anxiogènes sur leurs effets et à cause du profil des personnes qui en prennent. Les femmes ne se sont pas réveillées dans un monde d’oppression le lendemain du passage des lois régulant leur corps. Il était déjà accepté dans la culture dominante que les femmes doivent être traitées de la sorte, et ça c’est manifesté dans la loi.

Miley Cyrus peut potentiellement faire avancer les choses, comme d’autres figures de la pop. Vous n’avez pas à adorer leur musique ou la façon dont ces gens se vendent. Le fait est que les libertariens devraient adopter une attitude sex-positive et drug-positive afin d’éliminer l’oppression qui est faite sur les minorités sexuelles, les consommateurs de drogues et les dissidents culturels. Considérez qu’il y a plus à l’expression de votre philosophie politique que le NAP. Quand les gens se dressent et déclarent qu’ils sont libres malgré les normes sociales, nous devrions les désigner comme les meilleurs représentants de notre philosophie. Vous devons soutenir les renégats culturels et, plus particulièrement, la culture populaire qui bouscule les mœurs traditionnelles. C’est en mettant en avant les idées libertariennes et même libertines dans la culture populaire que le libertarianisme progressera. La guerre sur la culture (ndt. référence à la guerre sur les drogues aux USA) est réelle et les libertariens doivent commencer à la prendre au sérieux.

Traduction de Miley Cyrus And The Libertarian Renegade Culture de Ryan Calhoun

Anarchy and Democracy
Fighting Fascism
Markets Not Capitalism
The Anatomy of Escape
Organization Theory